James Joyce, Samuel Beckett, George Bernard Shaw e Oscar Wilde no episódio "In the name of the grandfather" - "Os Simpsons"
Le
Nouvel Observateur: Dans votre roman Dublinesca, vous écrivez à propos de
Riba, le personnage principal, : « Il lui est agréable de se rappeler la
vieille musique de ce livre splendide [Ulysse] qu’il avait lu à la fois
stupéfait et fasciné. » Comment définir cette musique ?
Enrique
Vila-Matas: Joyce avait une impressionnante oreille de poète et de musicien.
Quand il écrivait une page en prose, il était persuadé qu’il rédigeait une page
parallèle à sa partition musicale préférée. C’est une façon de travailler à la
fois très folle et très intéressante. Je la recommande. Un écrivain croit qu’il
est Debussy quand il écrit, mais le résultat n’est pas Debussy ; en fait, il
accède à une plus grande hauteur que s’il ne s’était pas pris pour lui. Les goûts
musicaux de Joyce étaient très éclectiques. Ce qui nous donne une piste pour
comprendre son désir de tout embrasser et de nier toutes les frontières. Il
comprenait les classiques allemands, la musique italienne ancienne, la musique
populaire ainsi que les compositeurs d’opéra, depuis Spontini jusque bien avant
lui, de même que les Français jusqu’à Satie. Il avait, par ailleurs, une
splendide voix de ténor et Svevo, qui l’appréciait beaucoup, disait toujours
qu’il aurait aimé voir son ami Joyce marcher triomphalement sur une scène
lyrique et interpréter Faust ou Manrico (le personnage principal du Trouvère de
Verdi).
La
musique d’Ulysse dont je parle dans Dublinesca est la musique du monde. Quand
le monde n’existera plus, il restera sa musique, un bruit de fond, le bruit
éternel. Ce bruit me fait penser à Hamlet quand il dit que pour lui, il n’y a
plus que le silence, un silence infini. Horatio lui souhaite une bonne nuit et,
à ce moment précis, on entend un tambour. Hamlet, surpris, demande pourquoi ce
tambour se dirige vers lui. Il annonce cette sorte de bruit éternel, une
musique sans fin, la musique du tambour de l’univers. C’est aussi la musique
d’Ulysse.
Le
Nouvel Observateur: Vous l’avez entendue dès votre première lecture?
Enrique
Vila-Matas: En ce qui concerne ma première approche d’Ulysse, je dois dire
que j’étais extrêmement jeune et je n’avais rien compris au premier chapitre,
le seul que j’avais lu. Un ami m’avait dit que je devais me procurer un livre
expliquant ce livre pour pouvoir le comprendre. J’ai découvert, à ce moment-là,
un aspect intéressant de l’art contemporain qui vient du modernisme, époque où
tout a changé pour nous : le discours théorique est passé au premier plan, il
est devenu essentiel. Si vous ne savez pas que vous regardez un tableau
cubiste, vous ne saurez sûrement pas ce qu’il y a à voir. Vous allez devoir
avoir recours à un manuel qui vous explique ce que vous êtes en train de voir.
C’est le triomphe de la théorie. Ce que j’adore !
En
résumé, pour pouvoir me replonger dans Ulysse, j’ai lu des livres qui
l’expliquaient et petit à petit j’ai été fasciné, j’avais de plus en plus envie
de retourner à ce premier chapitre que je n’avais pas compris. Ce fut pour le
lecteur que je suis un grand festin que je ne pourrai jamais oublier.
(Enrique
Vila-Matas, parte da entrevista ao Nouvel Observateur)
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