domingo, 2 de junho de 2013

Ulisses, segundo Enrique Vila-Matas

James Joyce, Samuel Beckett, George Bernard Shaw e Oscar Wilde no episódio "In the name of the grandfather" - "Os Simpsons"

Le Nouvel Observateur: Dans votre roman Dublinesca, vous écrivez à propos de Riba, le personnage principal, : « Il lui est agréable de se rappeler la vieille musique de ce livre splendide [Ulysse] qu’il avait lu à la fois stupéfait et fasciné. » Comment définir cette musique ?
Enrique Vila-Matas: Joyce avait une impressionnante oreille de poète et de musicien. Quand il écrivait une page en prose, il était persuadé qu’il rédigeait une page parallèle à sa partition musicale préférée. C’est une façon de travailler à la fois très folle et très intéressante. Je la recommande. Un écrivain croit qu’il est Debussy quand il écrit, mais le résultat n’est pas Debussy ; en fait, il accède à une plus grande hauteur que s’il ne s’était pas pris pour lui. Les goûts musicaux de Joyce étaient très éclectiques. Ce qui nous donne une piste pour comprendre son désir de tout embrasser et de nier toutes les frontières. Il comprenait les classiques allemands, la musique italienne ancienne, la musique populaire ainsi que les compositeurs d’opéra, depuis Spontini jusque bien avant lui, de même que les Français jusqu’à Satie. Il avait, par ailleurs, une splendide voix de ténor et Svevo, qui l’appréciait beaucoup, disait toujours qu’il aurait aimé voir son ami Joyce marcher triomphalement sur une scène lyrique et interpréter Faust ou Manrico (le personnage principal du Trouvère de Verdi).
La musique d’Ulysse dont je parle dans Dublinesca est la musique du monde. Quand le monde n’existera plus, il restera sa musique, un bruit de fond, le bruit éternel. Ce bruit me fait penser à Hamlet quand il dit que pour lui, il n’y a plus que le silence, un silence infini. Horatio lui souhaite une bonne nuit et, à ce moment précis, on entend un tambour. Hamlet, surpris, demande pourquoi ce tambour se dirige vers lui. Il annonce cette sorte de bruit éternel, une musique sans fin, la musique du tambour de l’univers. C’est aussi la musique d’Ulysse.
Le Nouvel Observateur: Vous l’avez entendue dès votre première lecture?
Enrique Vila-Matas: En ce qui concerne ma première approche d’Ulysse, je dois dire que j’étais extrêmement jeune et je n’avais rien compris au premier chapitre, le seul que j’avais lu. Un ami m’avait dit que je devais me procurer un livre expliquant ce livre pour pouvoir le comprendre. J’ai découvert, à ce moment-là, un aspect intéressant de l’art contemporain qui vient du modernisme, époque où tout a changé pour nous : le discours théorique est passé au premier plan, il est devenu essentiel. Si vous ne savez pas que vous regardez un tableau cubiste, vous ne saurez sûrement pas ce qu’il y a à voir. Vous allez devoir avoir recours à un manuel qui vous explique ce que vous êtes en train de voir. C’est le triomphe de la théorie. Ce que j’adore !
En résumé, pour pouvoir me replonger dans Ulysse, j’ai lu des livres qui l’expliquaient et petit à petit j’ai été fasciné, j’avais de plus en plus envie de retourner à ce premier chapitre que je n’avais pas compris. Ce fut pour le lecteur que je suis un grand festin que je ne pourrai jamais oublier.
(Enrique Vila-Matas, parte da entrevista ao Nouvel Observateur)

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